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Sud Languedoc Magazine N° 3, Juillet 2021
H I S T O I R E D E T E R R O I R S
Depuis 1911, les salins de Gruissan cultivent l'or blanc de manière
industrielle. Mais les marais salants ont traversé l'histoire, les
époques, ont résisté à la fièvre du tout béton des années 50 qui a
remodelé la côte, et trouvent une seconde jeunesse aujourd'hui
en s'ouvrant à l'agrotourisme.
Patrice Gabanou, Maître Saunier, qui a succédé à son père exploite
les salins de Gruissan. «Ici, on produit 15 000 tonnes de sel par an.
Une majeure partie sert de matière à l'industrie ou au déneigement
et on vend une centaine de tonnes pour la cuisine» explique-t-il
en gardant un œil sur la magie des lumières changeantes qui
baignent au loin les marais.
Depuis 2010, le site a ouvert au public et chaque année plus de 15 000 personnes s'empressent de
visiter le salin. Balade dans les marais avec une visite guidée pour bien comprendre le processus
naturel de fabrication et de récolte. Cette année une nouveauté attend les visiteurs. Un âne
accompagnera le cortège et portera quelques rafraîchissements à déguster au milieu de la visite. et
au milieu d'un paysage incroyable.
Son grand-père et son père arpentaient les tables salantes et bassins
de concentration des salins de Saint-Martin, à Gruissan, créés en
1911. Lui, Patrice Gabanou, suivait sans rechigner, au bord de ce
bout de Méditerranée que l’homme apprivoise depuis l’Antiquité
pour en cueillir le précieux sel ! Sur ces traces, il travaillera pour les
Salins du Midi, deviendra maître saunier. « Le sel, c’est ma vie. Je
suis saunier depuis l’âge de 6 ans. » Canotier fixé sur la tête, large
sourire permanent, verbe rare, en 2009, il a fait renaître les salins de
Gruissan, mais n’aime pas en parler plus que ça.
Si l’histoire de Patrice Gabanou s’inscrit
dans celle de ce site d’exception de 400 hectares, c’est parce que l’enfant
du pays refusa d’abandonner l’exploitation salinière à son triste sort.
Fermé par les Salins du Midi en 2004, la friche ne pouvait pas, selon lui,
se laisser « imposer la mondialisation du marché du sel ».
Lorsque les Salins de Midi prennent les rênes de la Société méridionale salinière (SMS), en 1968, elle
exploite tous les salins du Narbonnais. La compagnie engage une restructuration en fermant des
petites productions dans l’Aude comme celles de Peyriac-sur-Mer et en augmente d’autres,
notamment celle d’Aigues-Mortes, en Camargue. « Les trois sites de La Palme, Sainte-Lucie (La
Nouvelle) et Saint-Martin (Gruissan) restent en production jusqu’en 2003 mais s’orientent, durant les
dernières années, vers des sels de déneigement. Jusqu’à une fermeture définitive en 2004, et une
dernière récolte en 2005 », raconte Patrice Gabanou. L’homme veut à tout prix préserver cet outil de
production : son travail et le patrimoine économique et culturel de la région dans laquelle il a grandi.